68

• 2008
• Débat public

C'était 68
On en parle encore
J'étais ado
Et déjà j'étais sûr de comprendre la vie

C'était 68
On en parle trop
On disait des choses
Et quand on y repense
Ça n'a pas tenu l'eau

Suffisait de le dire
De revendiquer
Pour que tout s'arrange
Rétablir la justice

Mais la justice, on n'en savait rien

C'était 68

C'était 68
On en lisait trop
De ces livres
Importants
Qu'on se passait sous le manteau

De vieux radoteurs
Rancuniers ou séniles
Nous passaient leurs idées
On était naïf
Pas à peu près

Et on a gueulé
Dans la cuisine contre nos parents
Dans la rue, contre les grands
En mangeant leur bouffe

Et on a crié
Contre l'oppression
Dans la rue,
Contre les grands
En dormant dans leurs draps


C'était 68
L'été était chaud
On se voyait libre
On se voyait beau

On croyait que jamais
L'hiver ne viendrait
Qu'on marcherait sans fin
Dans les prés, des fleurs aux cheveux

Un jour j'ai compris
Que les adultes
Ceux dont je riais
Ceux qui nous donnaient
Raison et patience
Sans jamais reprendre
Qu'ils avaient grandi
Avec la faim au ventre

Un jour j'ai compris
Qu'à 20 ans
Ils étaient partis
Défendre très loin
La liberté
Celle que j'aurais

Un jour j'ai compris qu'ils ne demandaient rien
Sinon que je vois le monde
Tel qu'il est
Et surtout ce qu'il ne doit pas devenir

….

Alors, aujourd'hui je souris tristement
De ce que j'étais en 68
Alors, aujourd'hui je ris humblement
De ce que je croyais en 68

Et je lève enfin mon chapeau
À ceux de '40, à la liberté
Et je lève enfin mon chapeau
À ce qu'ils nous ont laissé de plus beau.

© 2008, Louis Robitaille